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Aux origines d'Aleph

AUX ORIGINES D'ALEPH

 

 

ALEPH: C'est le nom que choisit l'étudiant Oscar Castro lorsqu'il fonde sa troupe au Chili, en 1968 ( pour la petite histoire, Michelle Bachelet, actuelle présidente du Chili et amie d'Oscar Castro, a joué dans cette troupe).

 

C'est en hommage à LUIS BORGES, écrivain et poète argentin, qu'Oscar a donné à sa troupe le nom d'une de ses oeuvres, "El Aleph".

Mais l'Aleph, c'est aussi un point magique qui réunit le présent, le passé et le futur dans un même instant. Ce sont ces trois temps que l'association essaie de conjuguer en tirant les leçons des années précédentes, en préparant la prochaine et en imaginant les futurs événements.

L'Aleph de l'utopie:

"Des gens-environ 300 personnes- se sont regroupés sur la place à l'arrière du palais de la Moneda à Santiago, au Chili. Ils sont là, sous la statue de Salvador Allende dressée quelques mois auparavant à cet endroit emblématique où a eu lieu le coup d'état du 11 Septembre 1973. La porte de la Moneda située rue Morandé, par où on avait sorti la dépouille mortelle du président avait été murée et occultée pendant la dictature et jusqu'au trentième anniversaire de ce jour tragique.

Sans doute la honte de la trahison, de la lâcheté et de la félonie a-t-elle poussé les militaires putschistes à effacer les traces de leurs méfaits, à enterrer sous le plâtre et la répression les détails qui pourraient réveiller au quotidien la mémoire de leurs crimes. Contrairement à eux, à qui l'Histoire rappelle tous les jours leur médiocrité, Allende peut reposer tranquille. Et c'est lui, non eux, qui est aujourd'hui plus présent que jamais au Chili, monument désormais national, modèle de droiture et de conviction politique. L'incarnation toujours vive de l'idée noble et grande de ce que doit être l'action politique, toujours objet de discussion, de réflexion, d'enjeu citoyen.

Mais les gens regroupés ce 18 juillet 2004, ne s'étaient pas rendus à la Moneda pour une manifestation ou pour une commémoration. Dans la joie, non dans la tristesse ou la nostalgie, ils vont marcher une centaine de mètres pour assister à l'unique représentation du spectacle "Le 11 Septembre de Salvador Allende" donnée au Teatro Nacional Chileno qui se situe précisément en face du palais de la Moneda. Toute une série de circonstances qui permet à ce moment d'être unique et d'une grande intensité émotionnelle, humainement, politiquement et théâtralement.

C'est cela, pour moi, Oscar Castro. Oscar possède cette capacité à donner, en toute générosité, du sens aux circonstances et d'entraîner des gens dans son sillage. Gens de conviction, citoyens, ou gens de théâtre comme lui. Que ce soit au Chili ou en France, à Santiago ou à Ivry. Capacité aussi à trouver l'articulation entre le poétique et le politique, le spectacle et le message, la fête jubilatoire et la gravité du propos.

Il est vrai que le "message" effraye aujourd'hui la plupart des gens de théâtre. Alors il faut se défendre, prétendre que l'on n'a pas de message à faire passer. Comme si c'était une honte d'avoir des opinions et de les affirmer.Comme s'il était possible de ne pas avoir d'opinion. Comme s'il était possible que ceux qui prétendent faire un théâtre "sans message" ne faisaient pas malgré tout, et malgré eux, passer à travers leurs oeuvres des opinions et une idéologie particulière.Tout théâtre est idéologique. Alors autant l'assumer. Ce que fait ouvertement Oscar Castro.

Il est bien évident que créer des pièces sur Che Guevara, Salvador Allende ou Pablo Neruda signifie en soi porter un message. Cela traduit la volonté de dire, avec des mots, des chants, des danses, avec les corps des acteurs, quelque chose de spécifique sur nos convictions, notre vision du monde, nos aspirations et nos rêves. Ces trois oeuvres constituent un triptyque de l'utopie. L'utopie temporairement fracassée par la brutalité du monde, mais l'utopie toujours vive, toujours écorchée, toujours joyeuse, l'utopie qui nous aide encore à vivre et à croire.

Le Che, Allende et Neruda, trois figures d'Amérique Latine passées au rang de légendes universelles. Figures shakespeariennes dont le destin est fait d'amour, de foi, et de relation étroite avec le grand absolu, la Mort. Non pas une mort qui terrifie, mais une mort qui participe de la vie, qui la rend plus intense, plus urgente à vivre, plus nécessaire à partager avec nos proches dans un souci de justice et de beauté. Trois figures qui montrent le chemin et semblent dire longtemps après leur disparition physique qu'un autre monde est possible et que la conquête de ce monde de paix, de joie et de créativité qu'ils ont imaginé et dont nous sommes héritiers, mérite que l'on se batte pour lui, chacun à sa manière, chacun avec ses moyens, chacun avec son énergie.

Oscar Castro est partie prenante de ce rêve social et esthétique. Avec l'équipe du Théâtre Aleph, avec sa famille et ses amis, il entretient, grâce au théâtre, grâce à l'îlot d'Amérique Latine qu'ils ont construit rue Christophe Colomb à Ivry-sur-Seine, un de ces espaces de l'utopie."

                                                                        Adel Hakim



12/01/2008
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